

Mauvais sang
J’ai de mes ancêtres gaulois l’œil
bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon
habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.
Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les
brûleurs d’herbes les plus ineptes de leur temps.
D’eux, j’ai : l’idolâtrie et l’amour du sacrilège ; —
oh ! tous les vices, colère, luxure, — magnifique, la luxure ; — surtout
mensonge et paresse.
J’ai horreur de tous les métiers. Maîtres et ouvriers,
tous paysans, ignobles. La main à plume
vaut la main à charrue. — Quel siècle à mains ! — Je n’aurai jamais ma
main. Après, la domesticité mène trop loin. L’honnêteté de la mendicité me
navre. Les criminels dégoûtent comme des châtrés : moi, je suis intact, et
ça m’est égal.
Mais ! qui a fait ma langue perfide tellement qu’elle
ait guidé et sauvegardé jusqu’ici ma paresse ? Sans me servir pour vivre
même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j’ai vécu partout. Pas une
famille d’Europe que je ne connaisse. — J’entends des familles comme la mienne,
qui tiennent tout de la déclaration des Droits de l’Homme. — J’ai connu chaque
fils de famille !
Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, avril-août 1873
La Main à plume (1941-1944) est une publication collective et un groupe qui a maintenu actif le surréalisme sous l’Occupation. (Source : Wikipédia)
Cette publication collective semi-clandestine illustrée parut pour la première fois en mai 1941. Un de ses avant-coureurs était la groupe Les Réverbères.
Dans le premier numéro, les textes et illustrations sont de : Adolphe Acker, Christine Boumeester, Jean-François Chabrun, Achille Chavée, Jean-Claude Diamant-Berger, Christian Dotremont, Henri Goetz, J-V Manuel (Manuel Viola), Régine Raufast, Robert Rius, Hans Schoenhoff, Gérard Schneider, Gérard de Sède, Gérard Vulliamy, Tita, i.e. Édith Hirshowa et Marc Patin. Les rejoignent: Noël Arnaud, Jacques Bureau, Aline Gagnaire, Emile Guikovaty, Édouard Jaguer, Jean Jausion, Jean Hoyaux, Nadine Lefébure, Léo Malet, Pablo Picasso, Boris Rybak, Paul Éluard, Georges Hugnet, Maurice Blanchard, André Stil, Jean Simonpoli, Charles Bocquet, Raoul Ubac, Maurice Henry, Oscar Dominguez, René Magritte, Maurice Nadeau, Paul Delvaux, Jacques Hérold, Jean Arp…
Huit de ses membres moururent sous les balles allemandes ou dans les camps : Tita, déportée et morte à Auschwitz ; Hans Schoenhoff, emprisonné pour fait de résistance à la prison du Cherche-Midi, déporté et mort à Auschwitz ; Jean-Pierre Mulotte, abattu sur le pont d’Austerlitz à Paris ; Jean-Claude Diamant-Berger, parachuté par les FFL et mort en Normandie ; Marc Patin, mort d’une pneumonie à l’hôpital en Allemagne.
Sous l’impulsion de Robert Rius, le directeur des Cahiers de poésie Jean Simonpoli et un jeune poète de 17 ans issu des Feuillets du Quatre-Vingt Et Un, Marco Ménégoz, constituent un maquis, en juin 1944, en forêt de Fontainebleau. Ils sont arrêtés le 4 juillet 1944 sur dénonciation. Emprisonnés et torturés, refusant de parler, ils seront fusillés dans la plaine de Chanfroy, le 21 juillet, avec 20 autres résistants.


Bibliographie
- La Main à plume… Anthologie du surréalisme sous l’Occupation, édition établie et annotée par Anne Vernay et Richard Walter, préface de Gérard Durozoi, Paris, Syllepse, 2008
- Michel Fauré, Histoire du surréalisme sous l’Occupation, Paris, La Table Ronde, 2003
- Léa Nicolas-Teboul, « État de présence », le manifeste sous contrainte de la Main à plume, dans Revue de la BNF, 2018/1 (n° 56), pages 144 à 153
Documentation
Une thèse. Léa Nicolas-Teboul a soutenu sa thèse de doctorat en Littérature française et comparée le 6 octobre 2017, à la Sorbonne. Sous la direction de Marie-Paule Berranger, sa recherche est intitulée Le communisme des esprits surréaliste à l’épreuve de l’Occupation / La Main à plume (1940-1944) et constitue la première étude universitaire sur le groupe cofondé par Robert Rius, à Paris, au début de l’Occupation nazie : https://www.robertrius.org/actualit%C3%A9s/ et http://www.univ-paris3.fr/soutenance-de-these-mme-lea-nicolas-teboul-462163.kjsp?RH=1179925961149
« État de présence », le site dédié à la mémoire du poète Robert Rius, un des principaux fondateurs du groupe surréaliste résistant « La Main à plume » sous l’Occupation nazie.